Officiellement notre projet remonte au 16 novembre 2018 : ce soir-là, Y Voir Transition organisait un Café Citoyen spécial “gare de Godinne”. Une occasion de mettre en commun toutes les idées pour un projet autour de ce lieu emblématique. En effet, la SNCB avait annoncé la vente imminente de cette propriété. Nous avons été plus de quarante ce soir-là à refaire le monde, envisager les possibilités et, surtout, se structurer en 3 groupes de travail ayant pour mission de développer un projet “économiquement viable”. Ces groupes se sont vus et ont été également encadrés par l’agence de conseil en économie sociale Propage-s afin de mettre en place une structure juridique capable à la fois de pouvoir acquérir un bien immobilier selon un principe d’appel à l’épargne citoyen et d’y développer un projet philosophiquement proche du Réseau Transition. Gare à nous était né !

5 mois plus tard, la SNCB met en vente officiellement la gare de Godinne. Plusieurs membres des différents groupes de travail s’étaient donnés rendez-vous le jeudi 18 avril à 14h pour une visite guidée de la gare avec un représentant de la compagnie ferroviaire belge. Un moment vécu avec impatience et excitation : enfin du concret, nous allions voir si notre projet sur papier allait se connecter à la réalité de terrain. A la fin de la visite les mines étaient plutôt déconfites…

Plus d’une quinzaine de citoyens travaillant sur le projet de maison de la Transition et de la Citoyenneté s’étaient déplacé pour la Viste de la gare le 18 avril.

Un bâtiment inoccupé depuis 2013

Le 28 juin de cette année-là, le guichet de la gare est définitivement fermé, 151 ans après sa mise en service en 1862. Durant cette période la gare fût occupée par des chefs de gare souvent accompagnés de leur famille. En effet, en plus de la salle des pas perdus et du guichet au rez-de-chaussée, la gare comprend 2 étages faisant office d’appartement de fonction. Plusieurs Godinnois peuvent témoigner de cette période et d’amis y ayant vécu.

A la belle époque, la Gare de Godinne a participé à plusieurs reprises au Concours Gares fleuries et a parfois décroché le premier prix.

Le 24 octobre 1989, la gare de Godinne est classée comme monument et son environnement est classé comme site. Néanmoins, avec la nouvelle politique de la SNCB de développer des guichets électroniques au début du 21è siècle, le bâtiment désormais inoccupé va fortement se dégrader comme nous avons pu le constater lors de la visite. Un état de fait assez surprenant au regard du classement. L’auvent est ainsi maintenu avec des étançons de fortune, la toiture menace de s’effondrer, nombre de châssis sont condamnés, la cage d’escaliers est à peine praticable…

Plusieurs projets pour la gare

Le projet de la Commune d’Yvoir consistait à réhabiliter la gare de Godinne en trois logements publics en partenariat avec la société de logements « la Dinantaise ».  Un projet de petite surface commerciale était aussi prévu au RDC. Le budget global de cette réhabilitation et aménagement avoisinait les 477 000 € HTVA avec une part subsides de la SWL et du Patrimoine. Il manquait plusiuers dizaines de milliers d’euros pour équilibrer le budget. En mars 2018, la commune est intervenue auprès du Ministre Belot pour obtenir de lui la prise en charge de la partie non subsidiée par le Patrimoine pour les travaux de l’enveloppe extérieure.  La commune sollicitait aussi de la SNCB un bail emphytéotique de 66 ans moyennant un canon annuel d’un euro symbolique ou tout au plus n’excédant pas 4.000 €. Faute de réponse favorable du Ministre Belot et de la SNCB, le projet a été abandonné.

2016, le Gagm prend contact avec la SNCB afin de demander une mise à disposition des locaux. Un besoin de lieux pour se réunir se fait régulièrement ressentir dans le milieu associatif et le Point de R’Aliment de Paysans Artisans est en difficulté : les locaux mis à disposition gracieusement par le Collège Saint-Paul de Godinne sont désormais considérés insalubres. Un contrat d’occupation précaire est alors signé avec le propriétaire qui permet d’occuper les guichets et la salle des pas perdus occasionnellement. La gare revit enfin ! Du moins symboliquement. Mais c’est l’occasion de se rendre compte de  tout l’attachement que de nombreux villageois ont pour ce lieu : ils apprécient de s’y retrouver le jeudi en allant chercher leur panier de produits locaux, y tailler une bavette entre voisins, boire un verre en refaisant le monde. Ce lieu a un âme et une petite poignée de citoyens y a remis le feu.

Atelier organisé à la gare par Y Voir Transition en 2018.

En novembre 2017, Y Voir Transition est créé et en 2018, un projet plus ambitieux pour la gare sort des cartons. Un nouveau contact avec la SNCB est entrepris afin d’envisager un partenariat pour y développer un projet : une cession pour un euro symbolique, un bail emphytéotique nous permettant de disposer de plus de liberté dans les rénovations et aménagements. La SNCB sera catégorique : impossible, le bureau central a décidé de mettre en vente la gare au plus offrant selon un système d’appel d’offre. L’aspect financier est le critère unique.

En novembre 2018, nous organisons notre café citoyen “spécial gare” où nous présentons le projet d’une maison de la Transition et de la Citoyenneté, on y évoque pour la première fois les activités qui pourraient animer le lieu quotidiennement, l’emballement est suffisant pour créer des groupes qui poursuivront le travail de développement du projet. Objectif : être prêt pour la vente effective de la gare.

En février 2019, Patrick Evrard, le nouveau bourgmestre en fonction à Yvoir contacte  la SNCB pour demander si d’une part un partenariat avec la SNCB est envisageable pour permettre une occupation gratuite des locaux au bénéfice du projet d’Y Voir Transition et d’autre part si un contact prioritaire peut être entrepris entre la SNCB et la Commune dans le cadre de la vente de la gare. La réponse de la SNCB arrivera un mois plus tard : la vente du bâtiment étant désormais fort avancé, il n’est plus possible de mettre des locaux en concession.

Le vendredi 12 avril 2019, la SNCB met en vente officiellement la gare de Godinne : Offres à remettre à partir de 75 000€.

Une mise en vente très contraignante

La publication de la mise en vente de la gare et par la suite la visite ont mis en lumière un nombre impressionnant de contraintes liées à l’achat de la gare.

L’état de la gare est catastrophique

En dehors du rez-de-chaussée “occupable” (notons néanmoins une installation électrique obsolète et l’absence de chaudière donc de chauffage et d’eau chaude), le reste du bâtiment est en totale décomposition. De la toiture, à l’escalier en passant par les châssis, tout est à enlever. Autant le dire clairement : une rénovation de la gare revient dans un premier temps à 4 murs à ciel ouvert avant de reconstruire l’intérieur et le toit.

La SNCB reste propriétaire du terrain entourant la gare

Un constat qui est apparu plus clairement lors de la visite c’est que le bien vendu est entièrement entouré par des espaces appartenant à la SNCB.

En jaune la zone géographique qui concerne la gare. Au nord la place de stationnement, à l’ouest le nouveau parking en construction, à l’est l’ancien magasin, au sud le quai. Aux quatre points cardinaux, le bien vendu est encerclé par la SNCB.

Ceci pose plusieurs questions :

  • Faudra-t-il mettre en place un droit de passage type servitude entre les deux propriétaires ?
  • Que se passe-t-il en cas de besoins ponctuels plus important (livraison par un camion, travaux, …) qui pourrait éventuellement abîmer le terrain de l’autre (ornières de pneus, …)?
  • Que se passe-t-il si les deux propriétaires ne sont plus en bons termes ?
  • De quelle manière le futur propriétaire a-t-il un droit de regard sur ce que fait son voisin direct ? Exemple : la SNCB va réaliser un rehaussement des quais nécessitant de poser un escalier devant la gare à hauteur de la marquise. Que se passe-t-il si en cas de pluie, l’écoulement des eaux dû à ce nouveau quai amènerait des infiltrations ou contraintes dans le bâtiment ? De quelle manière ce rehaussement va-t-il avoir un impact sur la gare elle-même (moins de lumière, vue au Rez au niveau des pieds sur le quai…) ?

La gare est classée

Cela veut dire : pas d’annexe pour agrandir (de toute manière l’absence de terrain ne le permet pas non plus), l’obligation de suivre un cahier des charges contraignant pour toute rénovation, ainsi que l’introduction de dossiers (temps d’attente pour validation).

La gare reste en fonction

Qu’on se comprenne bien, c’est une excellente chose : l’arrêt de train à Godinne est un atout important pour les environs et il permet de rejoindre Bruxelles en à peine 1h15. Mais si le bâtiment devient privé, à proximité d’un quai et d’infrastructures de la SNCB en activité cela pose squestions et nuisances. Bien entendu le bruit et les vibrations occasionnés par le passage de trains (et il n’y a pas que les trains électriques de voyageurs : passages fréquents de trains de marchandises, trafic encore plus important la nuit) mais aussi les dégradations par les voyageurs (Le Point de R’ALiment peut témoigner des “cadeaux” laissés par certains dans la salle des pas perdus) voire le vandalisme (les façades sont régulièrement taguées, dégâts aux vitrages…).

Le projet d’Y Voir Transition et son adéquation avec la gare

Depuis plusieurs mois, des citoyens réunis sous la bannière d’« Y Voir Transition » travaillent à développer un projet de maison de la transition et de la citoyenneté qui pourrait prendre ses quartiers à la gare de Godinne. Les objectifs de cette maison sont multiples :

  • Favoriser la consommation locale et artisanale
  • En tant que citoyens, se réunir, se voir, d’échanger, célébrer
  • Mettre en place un laboratoire de développement économique alternatif
  • Disposer d’un espace polyvalent d’expression
  • Développer un relais touristique

La gare possède de nombreux atouts par rapport à ce projet :

  • Un espace au rez-de-chaussée facile d’accès qui permet d’y développer une activité horeca et ou cuisine
  • Des espaces polyvalents aux étages qui permettraient différents types d’activités
  • Un point central dans le village avec différentes possibilités d’accès (train, piéton, voiture, bus…)
  • Un arrêt pour y développer une activité touristique
  • Un lieu symbolique chargé d’histoire

Faire revivre la gare avec un projet citoyen, oui mais dans un objectif de partenariat

Car il ne peut en être autrement, la SNCB restant propriétaire et exploitant de la surface entourant le bâtiment. Elle reste libre de faire évoluer son territoire en fonction de ses besoins et contraintes (rehausser les quais, développer un parking, …). Dans ce contexte, il nous paraît aberrant de vendre un bien à ce prix qui est

  1. complètement enclavé dans leur propriété
  2. dans un état lamentable nécessitant de gros travaux tout en respectant les contraintes d’un classement au patrimoine

Dès lors Y Voir Transition renonce actuellement à remettre une offre dans les conditions de l’appel publié ce mois-ci. Nous estimons que si le cahier des charges et le prix de base n’évoluent pas, le bien vendu ne permet pas de réaliser un projet économiquement viable ou d’y développer un projet immobilier de résidence privée.

Nous nous étonnons du manque de réalisme de cet appel.

Enfin, si les contraintes d’enclavement ne devaient évoluer, nous informons la SNCB de notre souhait d’établir un dialogue de partenariat qui ne se limite pas à une svente pure et simple de la gare. Il y a des exemples heureux qui nous permettent de penser que vu la situation de la gare de Godinne, cette approche est bien plus appropriée (Quatre Quarts dans la gare de Court Saint Etienne par exemple).